Édito du disque Traversées par Patrick Poivre d'Arvor
Il est des mélodies qui révèlent de leur compositeur un amour de la francophonie et
de la nature mais aussi un esprit questionné par l’existence. Ce véritable florilège de
poésies que sont ces «Traversées » témoignent du goût prononcé de Christophe
Loiseleur des Longchamps pour les belles lettres, pas que françaises d’ailleurs, et
pour la recherche permanente d’une fluidité linguistique et musicale.
Dans ce recueil, des pièces de jeunesse, quelquefois tourmentées, se mêlent aux œuvres d’un homme mûr à la sensibilité aiguisée comme la proue d’un vaisseau sur une mer tantôt agitée tantôt apaisée. Cependant, toutes n’ont pas une résonnance autobiographique et certaines servent avant tout l’état d’esprit d’un poète.
Les pièces peuvent révéler un peu d’insouciance, de la galanterie, mais jamais de frivolité ; elles chantent l’amour, quelquefois romanesque, sans s’éloigner pour autant de la constance et de la sincérité ; elles questionnent sur le grand passage, sans être englouties dans une obscurité dramaturgique. Elles évoquent le voyage tantôt comme des escapades passagères, tantôt comme des pèlerinages et des découvertes de soi.
Ces mélodies sont servies par le chant limpide et envoûtant de Maria Mirante mais aussi par le piano à la fois puissant et délicat de Paul Beynet, unis dans une sensibilité et une expressivité qui ancrent résolument l’ensemble de l’œuvre dans la tradition française.
Dans la palette sonore de cette voix chaude et velouté de la mezzo-soprano, un lyrisme incisif peut céder la place à une expressivité plus intimiste, mais tout est sculpté avec élégance. Sous les doigts du pianiste, chaque phrase devient évidente, naturelle, et se revêt d’une luminosité cristalline qui souligne les contrastes des couleurs harmoniques. Deux artistes main dans la main, contemplant du bastingage
d’un navire fixé sur son cap, la même immensité.
Les « Traversées » ? …un sauf conduit pour l’évasion, un passeport pour le rêve.
Patrick Poivre d’Arvor